L’incroyable voyage de Coyote Sunrise • Dan Gemeinhart

par Porteuse de Lanternes

Éditions Pocket Jeunesse, The Remarkable Journey of Coyote Sunrise traduit de l’anglais (États-Unis) par Catherine Nabokov, 2020, 416 pages

« LE VOYAGE EST PLUS IMPORTANT QUE LA DESTINATION »

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« Il était une fois » Coyote, une jeune fille de 12 ans habituée aux stations services et à leurs boutiques, aux couleurs vives des granités et à leurs parfums variés. Depuis cinq ans, elle sillonnait les routes des États-Unis, avec son père Rodeo, à bord d’un ancien bus scolaire réaménagé en maison. Un jour, sa joie d’avoir adopté son chat Ivan fut contrebalancée par une terrible nouvelle : le parc de son enfance allait être détruit avec son trésor le plus intime enterré sous un arbre. En secret, elle élabora un stratagème – assez périlleux – pour traverser le pays en un temps record, sans que son hippie de père n’apprenne leur destination. Après tout, elle lui avait juré de ne jamais remettre les pieds dans ces lieux remplis de souvenirs. Mais la vie est ponctuée de rencontres et d’imprévus. Dans leur voyage, ils n’hésiteront pas à embarquer des passagers en détresse, abîmés par la vie, comme eux…

La question n’est pas de savoir si le taco vaut la route, Marmotte. Mais si la route vaut le taco.

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LUMIÈRE SUR MON RESSENTI…

Comment ne pas succomber au charme de cette couverture lumineuse et à son titre résonnant comme une douce promesse d’évasion : « L’incroyable voyage de Coyote Sunrise » ? Ce nom cartoonesque appartiendrait-il à cette jeune fille, cheveux aux vent, le regard fixé sur moi à travers ses lunettes de soleil aux immenses verres ronds ? D’emblée, j’ai aimé son sourire complice, son attitude détendue. J’ai eu envie de devenir son amie et d’arpenter avec elle le macadam des routes américaines. Car, comment ne pas penser immédiatement au film Little Miss Sunshine avec ce bus scolaire rappelant le vieux combi jaune « Volkswagen » ? Quel plaisir à l’idée de me plonger dans une nouvelle odyssée familiale ! Si en plus y’a un chat… J’ai décidé de me laisser prendre par la main dans ce rêve V.E.L.U. de lecture. Entendez par là « Vite ! Envie Loufoque et Urgente ».

Ce roman a la fragrance des road movies hollywoodiens, avec ses deux héros partis au loin sans quête prédéfinie, comme Bonnie and Clyde ou Thelma et Louise. Sauf que Coyote et Rodeo, eux, ne sont pas des bandits ; ce qu’il fuient, c’est leur passé douloureux. Par un accord tacite, ni l’un ni l’autre ne doivent évoquer les fantômes de leur ancienne vie. Mais Coyote a laissé des fragments de son existence dans le parc de sa ville natale et elle ne peut pas se résoudre à les savoir anéantis à coups de bulldozers. Ode à la tendresse et à la bienveillance, l’histoire devient une véritable course contre la montre. D’ailleurs, si elle nous tient tant en haleine, c’est grâce à la complicité unique entre le père et la fille, à leur grain de folie et à leur caractère anticonformiste. Mais justement, quelles sont les limites ? Comment ne pas blesser l’autre quand la seule façon de se réparer est d’abord de penser à soi ? En chemin, ils embarquent une ribambelle de passagers à l’âme en peine. Grâce à une générosité et une entraide mutuelles, chacun va réussir à surmonter les épreuves difficiles : violences familiales, homophobie, deuil… Le génial Otis l’avait prophétisé dans son interminable monologue :

Et c’est assez curieux de se dire que les hasards, les rencontres forgent une destinée…

Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre

L’incroyable voyage de Coyote Sunrise est un livre sur l’épanouissement personnel, la soif de liberté et l’abnégation, un peu comme dans les films magiques de Capra. Il procure un véritable sentiment d’harmonie. Moi aussi j’avais envie de crier mes peines et mes rêves au vent, accrochée au toit de Yageur – c’est le nom du bus – alors que nous roulions et que la sensation de vitesse me faisait battre le cœur. Ce livre, écrit du point de vue de Coyote, est un condensé d’émotions pures : drôle, un peu dingue aussi – la chèvre Gladys, WTF ?! – touchant et pétillant. Mais sous cette apparente légèreté, se dissimulent aussi des sentiments plus profonds et douloureux. Rodeo et Coyote démontrent que la vie est une question d’équilibre, d’échange et de partage ; d’ailleurs ce livre se trouve clairement dans « la zone positive de l’échelle ». En abordant le thème de la résilience, Dan Gemeinhart, l’auteur du livre – et accessoirement ancien bibliothécaire – parvient à nous émouvoir sans jamais tomber dans le pathos.

Il y a tant de joie dans le monde. Il y a tant de tristesse aussi. Il y a juste trop de choses.

Vous l’aurez compris, un fil invisible continue de me relier à l’histoire de ce livre incroyable. Je pense qu’une partie de moi est restée à bord de Yageur – je répète, c’est le nom du bus. Finalement, cette couverture a bien tenu toutes ses promesses. Ne vous arrêtez pas à son estampillage « jeunesse », ce roman s’adresse à tous les âges. Mais avant d’embarquer, il vous faudra convaincre Rodeo, alors réfléchissez consciencieusement à ces trois questions :

  1. Quel est votre livre préféré ?
  2. Quel est votre endroit préféré au monde ?
  3. Quel est votre sandwich préféré ?

Vous avez les réponses ? Alors, vous voilà prêts à partir ! Bon voyage…

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