Éditions Charleston, 2021, 368 pages
« Il faut s’écouter attentivement, apprendre à penser en dehors des cadres que d’autres ont construits pour nous et qui ne nous correspondent pas toujours. »
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Lorsqu’elle apprend qu’elle est enceinte, Claire vit sur un petit nuage. Plus rien n’a d’importance, même la perte de son travail pour lequel elle s’est tant investie. Sa meilleure amie Éléonore lui propose un poste de community manager au sein de sa maison d’édition. Même si son esprit est accaparé par la venue de son futur bébé, la jeune femme accepte car elle va côtoyer son écrivaine préférée, l’autrice de best-seller Eva Díaz. Mais bientôt toutes ces belles promesses d’avenir vont être le signe d’une désillusion car rien ne se déroulera comme Claire l’imaginait…
Océane, 19 ans, est une étudiante hypersensible qui vient d’emménager à Kefalonia avec son père, suite au fameux scandale et au divorce de ses parents. Elle fait sa rentrée, malgré elle, à l’université de Bronwell (dans le « trou-du-cul des États-Unis » comme l’avait déclaré sa meilleure amie, Jess). Son père est professeur de littérature à l’université mais il enjoint sa fille d’étudier la médecine pour lui éviter de se ridiculiser dans un domaine que lui connaît bien. Pourtant, malgré tout le respect qu’elle porte à l’autorité paternelle, Océane décide de s’inscrire à un cours d’écriture. Pour la première fois de sa vie, elle qui était toujours transparente, va même attirer l’attention de son professeur…
Enfin, les lettres d’une femme qui a abandonné son bébé pour s’enfuir en Indonésie….
France, États-Unis, Indonésie… ces trois pays sont l’occasion d’explorer l’histoire de ces trois femmes aux destins croisés. Mais quel lien peut bien les unir ?

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LUMIÈRE SUR MON RESSENTI…
À chaque nouveau roman de Marie Vareille, j’éprouve la même joie que le jeune Charlie recevant son ticket d’or pour une visite de la chocolaterie par le célèbre confiseur Willie Wonka. En tant que gourmande littéraire, je me régale d’avance ! Il faut dire que depuis La vie rêvée des chaussettes orphelines (mon chocolat préféré !), l’auteur concocte des recettes encore plus savoureuses qu’autrefois ; à ses parfums sucrés et doux s’ajoutent désormais dans ses romans un soupçon d’amertume qui vient corser et enrichir le goût.
Dorénavant, la résilience devient le motif central de ses histoires et permet d’aborder plusieurs thématiques difficiles autour de la dépression : le deuil dans La vie rêvée des Chaussettes Orphelines, la maladie de Marfan dans Le Syndrome du Spaghetti et enfin la dépression post-natale dans le roman qui nous intéresse ici. Dans chacune de ces histoires, les personnages sont en proie à une culpabilité infernale qui les pousse sans cesse à dissimuler la vérité. Les héroïnes apprennent à surmonter leurs traumatismes en confrontant leurs rêves avec la réalité. Pour affronter les épreuves de la vie, elles peuvent compter sur le soutien et l’expérience de leur entourage.
Dans Ainsi gèlent les bulles de savon, le roman ne fait pas exception ; cette histoire de chassé-croisé suit le destin de trois femmes, prêtes à éclater en gouttelettes : Claire, Océane et une inconnue. J’aime beaucoup la construction du récit toute en subtilité et en finesse ; coiffée de mon couvre-chef de détective et équipée d’une loupe, je recherchais le lien entre les trois histoires. Marie Vareille s’amuse à nous égarer régulièrement sur des fausses-pistes : suivons-nous en réalité le même personnage à des époques différentes ? Une des héroïnes serait-elle un personnage de fiction ? Intriguant ! Ces histoires vont-elles se rejoindre ? Si oui, comment ? Impossible de lâcher le livre sans avoir le fin mot de l’histoire. Amateurs de retournements de situation, vous serez servis !
Ainsi gèlent les bulles de savon traite d’un sujet assez méconnu, qui fera sans doute écho à la situation de nombreuses mères : la dépression maternelle du post-partum. Le personnage de Claire est complètement démunie après son accouchement car elle ne se retrouve pas dans le bonheur maternel « attendu ». Elle qui désirait tant cet enfant, elle se sent finalement une mère inefficace. Pourquoi est-elle toujours triste et fatiguée ? Pourquoi ne saute-t-elle pas de joie ? Est-ce que cela fait d’elle un monstre ? D’autres chapitres viennent s’entremêler avec ce journal mystérieux d’une mère partie en Indonésie, laissant son bébé derrière elle, loin… Et puis, ballottée au milieu de ces histoires de baby blues, une bulle de savon fragile et délicate : la jeune Océane, qui aurait bien besoin de reprendre confiance en elle et de croire en ses rêves. Tout le roman insiste sur le courage d’être soi, sur l’importance d’apprendre à se respecter, à se connaître dans un monde conditionné par les valeurs et les croyances de notre environnement. Pourquoi douter de nous ? Quels freins nous empêchent de suivre nos convictions intimes ?
Je reconnais que la maternité n’est pas mon sujet de prédilection ; il était déjà évoqué dans La vie rêvée des Chaussettes Orphelines, mais il devient le moteur central d’Ainsi gèlent les bulles de savon. Malgré tout, la plume de Marie Vareille reste toujours aussi inimitable : lumineuse, pétillante, envoûtante ! Je me suis laissée portée par la justesse de ses mots pleins d’authenticité. Le roman parvient à conjuguer des thématiques très dures, voire dramatiques, avec une ambiance aussi légère et aérienne que des bulles de savon. A mes yeux, c’est ce qui rend l’univers de Marie Vareille aussi unique. Le titre s’accorde parfaitement avec le ton du livre !
Ma seule petite réserve – oui, parce qu’il m’en faut toujours une – concerne les dialogues du père d’Océane, dont je trouvais les sonorités un peu creuses. Même si les personnages masculins du livre sont relégués au second plan, j’aurais aimé qu’il soit mieux étoffé pour rendre ses réactions plus crédibles et moins caricaturales.
Cet aparté n’enlève rien à mon plaisir de lecture. Ce roman est une bulle chargée d’émotions et une jolie déclaration d’amour à la littérature. Avec Ainsi gèlent les bulles de savon, Marie Vareille adresse un message chaleureux et réconfortant à toutes les mères de l’univers : même si ce n’est pas une évidence, l’amour est capable de se construire pour former un lien merveilleux et indéfectible. Vous allez vous régaler avec cette nouvelle gourmandise !
Si l’avenir te paraît sombre et que tu ne sais plus vers qui te tourner, fais comme les bulles de savon, dirige-toi toujours vers la lumière.
